Le gouvernement Barnier a été emporté par une censure retentissante, illustrant un Parlement désormais las des ambiguïtés et des compromis de façade. En réponse, l’Élysée a opté pour une recomposition, avec François Bayrou à Matignon. Ce choix, loin d’incarner un renouveau ou une rupture, illustre une stratégie passée, fondée sur des figures institutionnelles connues mais usées. Cette nomination reflète davantage une gestion conservatrice de la crise qu’une véritable ambition de transformation. Entre les pressions des oppositions et les tensions internes, le gouvernement « Barnier 2 » risque de reproduire les blocages de son prédécesseur. Ce remaniement, bien qu’essentiel sur le papier, pourrait n’être qu’une rustine sur un appareil institutionnel défaillant.
Au-delà des crises sectorielles et politiques, c’est l’architecture même de la Cinquième République qui montre ses limites. L’hyper-présidentialisation, exacerbée ces dernières années, étouffe le débat démocratique et renforce un sentiment d’impuissance généralisée. En centralisant les décisions et en marginalisant le rôle du Parlement, l’exécutif s’enferme dans une bulle technocratique, déconnectée des réalités locales et des attentes citoyennes. Cette configuration, qui devait garantir la stabilité, est devenue source de blocages et d’immobilisme.
Si des réformes structurelles ne sont pas engagées rapidement pour redistribuer le pouvoir, revitaliser le rôle des territoires et rendre la parole au peuple, la République continuera de naviguer de crise en crise, sans jamais en tirer les leçons. De Mamoudzou à Paris -en passant par Nouméa et Fort de France-, les fractures s’approfondissent, exigeant un sursaut collectif et une vision à long terme. Le temps presse.
L’un des premiers chantiers de ce nouveau gouvernement doit être la reconstruction de Mayotte. Département français et région ultrapériphérique de l’Union européenne depuis 2014, Mayotte est en proie à une crise multidimensionnelle. Loin des promesses de développement et d’intégration qui accompagnaient sa départementalisation, ce territoire souffre d’un sous-investissement chronique et d’une inaction criante face à des défis structurels. Le plan de transformation, annoncé en grande pompe pour remédier aux manquements historiques, reste lettre morte. Les infrastructures sanitaires, éducatives et sécuritaires sont au bord de l’effondrement, exposant cruellement l’incapacité de l’État à tenir ses engagements. C’est sur ce socle fragile que le cyclone Chido a frappé, révélant avec une brutalité implacable la vulnérabilité du territoire. Les conséquences sont dramatiques : infrastructures détruites, populations déplacées et un sentiment d’abandon encore plus ancré. Mayotte ne peut plus être réduite à une périphérie négligée : elle est un révélateur des fractures territoriales françaises et de la myopie de la République sur ses marges.