Mesdames, Messieurs, chers concitoyens,
Vous avez été nombreux à m’interroger sur notre position concernant le Projet de Loi de Finance de la Sécurité Sociale pour 2026 (PLFSS 2026). En tant que députée écologiste, j’ai choisi de m’abstenir, tout comme mes collègues du groupe. Ce choix n’a rien d’anodin : il est le fruit d’un arbitrage difficile entre l’urgence sociale et l’imperfection d’un texte qui reste profondément insuffisant. Je tiens à vous expliquer en toute transparence les raisons de cette décision, car elle s’inscrit dans une logique de protection des plus fragiles et de résistance face à la casse libérale de notre système de solidarité.
Un texte initial inacceptable : la droite et le gouvernement attaquent la protection sociale
Le PLFSS 2026, tel que présenté par le Premier ministre Sébastien Lecornu et son gouvernement, était un coup de massue contre les plus précaires. Voici ce qu’il contenait initialement :
- Gel des prestations sociales et désindexation des pensions de retraite sur l’inflation, condamnant les retraités et les bénéficiaires des minima sociaux à une perte de pouvoir d’achat.
- Doublement des franchises médicales, étendu aux dispositifs médicaux et soins dentaires, alourdissant la charge pour les patients.
- Taxation accrue des mutuelles (passant de 1% à 2%) et des tickets-restaurant (8% de cotisations patronales), réduisant encore le pouvoir d’achat des salariés.
- Limitation drastique des arrêts maladie (15 jours pour les libéraux, 30 jours pour les hospitaliers), risquant d’aggraver la précarité des travailleurs malades.
- Réduction de la prise en charge à 100% des Affections Longue Durée (ALD) à seulement 4 mois, mettant en danger les personnes atteintes de maladies chroniques.
- Un ONDAM (Objectif National des Dépenses d’Assurance Maladie) limité à 2%, alors que les besoins réels des hôpitaux et des professionnels de santé nécessitent 5 milliards d’euros supplémentaires pour maintenir le niveau de soins actuel.
Ce projet était clairement antisocial, conçu pour démanteler la Sécurité sociale et faire payer la crise aux plus modestes.
Un combat parlementaire pour limiter la casse
Face à ce texte, la gauche et les écologistes ont mené un combat sans relâche pour en atténuer les mesures les plus dures. Voici ce que nous avons obtenu après des semaines de débats et d’amendements :
✅ Rétablissement de l’indexation des minima sociaux et des pensions de retraite sur l’inflation : une victoire pour les plus précaires et les retraités.
✅ Suspension (temporaire) de la réforme des retraites : 300 000 personnes pourront partir 3 mois plus tôt, un soulagement immédiat en attendant une abrogation totale en 2027.
✅ Maintien de l’exonération de cotisations pour les apprentis, préservant leur salaire net.
✅ Abandon de la taxation des tickets-restaurant, évitant une baisse de leur valeur pour les salariés.
✅ Augmentation de l’ONDAM à 3% (contre 2% initialement), un minimum pour éviter l’asphyxie des hôpitaux, même si cela reste insuffisant face à l’inflation.
✅ Création d’un congé supplémentaire de naissance : 2 mois par parent, fractionnables, pour mieux accompagner les jeunes familles.
Ces avancées sont réelles, mais elles ne suffisent pas. Elles ne réparent pas des décennies de politiques libérales qui ont fragilisé notre système de santé et de protection sociale. Elles évitent simplement le pire pour quelques mois.
Les fédérations hospitalières en première ligne : l’ONDAM à 3 %, une exigence non négociable
Dès le début des débats sur le PLFSS 2026, les fédérations hospitalières (FHF, FHP, FEHAP, FNEHAD) ont tiré la sonnette d’alarme : un ONDAM limité à 1,6 % en réalité (après prise en compte de la hausse des cotisations employeurs) mettrait en péril l’accès aux soins pour tous les Français. Elles ont unanimement réclamé une hausse de l’ONDAM établissements de santé à 3 %, niveau minimal pour éviter une baisse tarifaire historique et préserver les capacités de soin et d’investissement des hôpitaux. Selon leurs analyses, un ONDAM à 1,6 % équivaudrait à 1,1 milliard d’euros de manque à gagner, soit l’équivalent de 20 000 postes d’infirmiers en moins.
Une hémorragie inacceptable dans un contexte de reprise fragile de l’activité hospitalière et de tensions persistantes sur les ressources humaines.
Les fédérations ont également insisté sur la nécessité d’une loi de programmation en santé, sur le modèle de celles existant pour la Défense ou la Justice, afin de garantir une visibilité financière pluriannuelle et des réformes structurelles. Sans cette augmentation à 3 %, le risque était clair : fermetures de services, dégradation des conditions de travail, et contraction de l’offre de soins, notamment dans les territoires déjà fragilisés. Leur mobilisation a porté ses fruits : l’ONDAM a finalement été relevé à 3 % en deuxième lecture, une victoire partielle mais cruciale pour éviter la pire cure d’austérité depuis les années 2010.
Pourquoi l’abstention ? Ni pour, ni contre, mais en résistance
Notre abstention est un choix politique assumé :
- Nous refusons de voter POUR un budget qui ne répond pas aux besoins criants de notre système de santé et de solidarité.
- Nous refusons de voter CONTRE et de risquer un retour à la version initiale du gouvernement, encore plus dure, ou une année blanche sans PLFSS, où les mesures les plus antisociales pourraient être imposées par ordonnances.
Sans PLFSS, trois scénarios étaient possibles :
- Un nouveau texte en janvier 2026, avec le risque que le gouvernement cède aux exigences de la droite pour faire passer des mesures encore plus brutales.
- Des ordonnances permettant au gouvernement d’imposer unilatéralement les pires dispositions (doublement des franchises, gel des prestations…).
- Un statu quo sur le PLFSS 2025, sans compensation de l’inflation pour les hôpitaux, et avec la possibilité pour le gouvernement de passer des décrets pour appliquer ses mesures les plus dures.
Notre abstention est donc un acte de responsabilité : elle permet de préserver les avancées obtenues tout en évitant un recul encore plus grave.
Ce que nous continuons à exiger
Ce PLFSS 2026 ne nous satisfait pas. Il ne répond pas aux attentes portées par le Nouveau Front Populaire (NFP) lors des législatives de 2024. Nous voulons un budget ambitieux pour la Sécurité sociale, qui :
- Finance pleinement les hôpitaux et la médecine de ville, avec un ONDAM à la hauteur des besoins réels.
- Supprime les franchises médicales, qui pénalisent les plus modestes.
- Renforce la prévention et l’accès aux soins pour tous, sans reste à charge.
- Taxe enfin les superprofits et les grandes fortunes pour financer notre protection sociale, au lieu de faire peser l’effort sur les classes populaires.
Nous n’avons pas obtenu gain de cause sur tout, mais nous avons évité le pire. Et c’est déjà une victoire dans un hémicycle où la droite et l’extrême droite ne cessent de saper les fondements de notre modèle social.
Ensemble, continuons le combat
Ce vote est une étape, pas une fin. Les écologistes et la gauche continueront à se battre pour :
- Abroger définitivement la réforme des retraites en 2027.
- Rétablir une fiscalité juste, où les plus riches et les grandes entreprises contribuent à hauteur de leurs moyens.
- Protéger et renforcer notre système de santé, en mettant fin à la logique de rentabilité qui étouffe les hôpitaux.
La bataille pour une Sécurité sociale solidaire et universelle est loin d’être terminée. Elle se gagnera dans la rue, dans les urnes, et dans l’hémicycle.
Fidèlement, Julie Ozenne Députée écologiste
PS : Je reste à votre disposition pour échanger sur ces sujets. N’hésitez pas à me faire part de vos retours et de vos attentes – c’est ensemble que nous construirons les victoires de demain.